LE SYNDROME D'ASPERGER


" Des génies d'un autre monde "

article de Hervé Ratel extrait du dossier " Syndrome d'Asperger : un autisme aux frontières de la normalité " du n°679 de " Sciences et avenir " (septembre 2003)

Un zeste d'autisme permet-il à des individus d'accéder à une originalité et à une capacité de réflexion hors norme ? Certains génies seraient des Asperger.

Aux yeux du grand public, l'autiste emblématique par excellence est Rain Man, interprété un écran par de Dustin Hoffman, cet idiot savant de dodelinant capable de réciter d'un trait le contenu du Bottin ou de calculer dans la seconde que le 25 décembre 1856 était un mardi. Et Einstein, vous y avez pensé ? Sacrilège ! Personne n'oserait dire de celui qui a bouleversé le visage de la physique moderne qu'il pourrait avoir un quelconque rapport avec un attardé mental paniqué à l'idée de porter un autre sous-vêtement que son slip fétiche... Personne, sauf un autre autiste. C'est Temple Grandin qui a soulevé ce lièvre de taille. L'auteur de " Ma vie d'autiste " et de " Penser en images ", elle-même autistes surdouée, se passionne pour les génies autistes. Selon le principe " qui se ressemblent se reconnaît " elle a été la première à noter que l'inventeur de la relativité présentait quantité de signes relatifs au syndrome d'Asperger : le grand homme n'a pas parlé avant l'âge de quatre ans. Ses résultats scolaires étaient médiocres et sa pensée n'a jamais procédé par mots mais par images fulgurantes illuminées de symboles mathématiques originaux. Se souciant peu des subtilités sociales, Einstein s'habillait et à la mode autiste : à savoir n'importe comment du moment que c'est confortable... Et, pourquoi pas, la manifestation la plus retentissante de son excentricité autistique pourrait bien être cette langue qu'il a tirée un jour malicieusement devant l'objectif d'un photographe. Du reste, la famille du grand homme compte de nombreux autistes, le fils de sa petite cousine étant le dernier exemple en date. " Le génie est sans doute une âme normalité, indique Temple Grandin. Si l'on supprimait les gènes qui sont à l'origine de l'autisme, le monde appartiendrait au conformisme ennuyeux sans pensée originale.".

Bien évidemment, tous les génies ne sont pas des Asperger et les Asperger géniaux ne constituent qu'une minorité. Il n'empêche, depuis Einstein, quantité de noms sont venus enrichir la liste : Thomas Edison, Van Gogh, Gustav Mahler, Andy Warhol, avec son regard fuyant et son art de la répétition. Alfred Hitchcock est un autre possible Asperger : jeune, il avait la marotte des locomotives, engrangeant toutes les informations possibles sur le chemin de fer britannique... Le père d'Ubu, Alfred Jarry, parlait d'une voix monocorde métallique avait un sens de l'humour bizarre. Caractéristique qu'il partageait d'ailleurs avec Erik Satie.

Franz Kafka, Bob Dylan, Lawrence d'Arabie, l'acteur de Matrix Keanu Reeves, Woody Allen ou encore Bill Gates sont tous suspectés d'avoir des troubles autistiques. Comme les adultes autistes, le fondateur de Microsoft se balance sur sa chaise lorsqu'il réfléchit, évite le contact oculaire et manifeste une paranoïa excessive pour des choses futiles. Daniel Ichbiah, son biographe officiel français, est surpris par cette association : " Moi, je le trouve diaboliquement normal." Pourtant, il lui reconnaît un caractère " un peu lunaire " et une faculté typiquement autistique à " mettre en relation des choses qui n'ont aucun rapport entre elles ".

D'ailleurs, l'informatique est l'un des domaines où les Asperger s'épanouissent le mieux. Ils ne seraient pas loin de constituer la moitié des ingénieurs de la Silicon Valley pour le docteur Tony Attwood, l'un des spécialistes du syndrome. Hans Asperger lui-même était intimement persuadé du caractère autistique de beaucoup de personnages géniaux, déclarant un jour : " Il semble que pour être brillant en science ou en art, une touche d'autisme soit essentielle."






Sciences humaines n°83 - Mai 1998

Temple Grandin: Une vie d'autiste
Temple Grandin est née en 1948. alors que le syndrome d'autisme venait à peine d'être Identifié. Ses parents avaient bien vu qu'elle se raidissait, à six mois, quand on la prenait. Mais ce n'est que lorsqu'elle eut 3 ans - ne parlant toujours pas - qu'ils s'inquiétèrent. Elle s'absorbait des heures dans des jeux tels que tourner sur elle-même. Elle barbouillait sa chambre de selles et piquait de terribles colères. Une orthophoniste lui apprend à parler. Elle entre à l'école, où on remarque sa créativité, mais où ses camarades se moquent de sa façon de parier; puis au collège, d'où elle est renvoyée: malgré son QI de 137, elle est nulle en français et en maths...
Ses parents la mettent alors dans une école privée. D'abord, l'échec est total, et son père envisage de la placer dans une institution pour enfants retardés. Deux professeurs s'intéressent à elle, et elle découvre des moyens de surmonter ses crises d'angoisse. Elle parvient alors à terminer ses études secondaires, et on l'accepte dans une petite université, où elle se spécialise en sciences animales.
Temple Grandin est devenue un expert, de renommée mondiale, en conception d'équipements pour le bétail, et professeur à l'université du Colorado.
Deux ouvrages autobiographiques ont été traduits en France :
Ma We d'autiste et Penser en Images (Odile Jacob, 1994 et 1997).

Déf inition, historique et caractéristiques

C'est un psychiatre autrichien, le Dr Hans ASPERGER, qui décrivit en 1943 (publication en 1944) des troubles du comportement chez plusieurs enfants qui avaient un développement normal de leur intelligence et du langage, mais qui présentaient des comportements proches de l'autisme et une déficience marquée dans les interactions sociales et la communication. Il appela ce trouble " autistichen Psychopathen " (1). Il a donc utilisé, sans le savoir, la même notion d'autisme qui a été décrite la même année par le Dr Léo KANNER aux U.S.A.

Beaucoup plus tard, en 1981, une psychiatre anglaise, Lorna WING, va réactualiser le travail de 1944 en publiant un compte-rendu des travaux réalisés et une proposition pour définir un "syndrome d'Asperger", avec 34 cas l'illustrant. La communauté internationale (surtout dans les pays anglo-saxons) va, à partir de cette publication, multiplier les recherches et les travaux pour tenter d'identifier le syndrome d'Asperger et pour le positionner dans les classifications par rapport à l'autisme de Kanner. C'est en 1991 que Uta FRITH fit une traduction des travaux de Hans ASPERGER.

Le syndrome d'Asperger est donc une pathologie relativement nouvelle dans sa définition et sa connaissance, et qui n'a été officiellement reconnue comme entité à part entière qu'assez récemment. Il a été individualisée dans le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders de l'American Psychiatric Association) en 1994.


Les atteintes peuvent être plus ou moins sévères selon les personnes, et les principaux signes que l'on peut retrouver à divers degrés sont :
- l'apparition des troubles le plus souvent vers l'âge de 3 ans.

- un Q.I. global sensiblement normal, et même souvent supérieur à la normale, mais qui ne suffit pas au bon fonctionnement social en raison des autres troubles :

- les difficultés dans les relations avec les autres, adultes ou enfants, liées à une quasi incapacité à percevoir les "signaux" sociaux et à les interpréter correctement.

- Les perturbations de la communication avec les autres, tant à travers les mots qu'avec les autres formes de communication non verbales (contact oculaire, mouvements corporels, expressions du visage), avec absence apparente d'émotions sociales.

- un langage apparu sans retard, apparemment riche, au vocabulaire étendu, mais au contenu limité, et avec des remarques répétitives ou sans rapport avec le sujet.

- un langage et une compréhension au sens littéral des expressions, d'où un trouble de la compréhension des choses entendues ou lues (incompréhension des jeux de mots).

- une façon de parler manquant de naturel, précieuse, guindée, avec une voix souvent haute et monocorde.

- un langage corporel et des expressions du visage inappropriées.

- un attachement excessif à certains objets, une fixation sur un sujet, des obsessions et des répétitions, la réalisation de rituels.

- un mode de vie routinier, avec une grande rigidité et d'importantes difficultés à gérer les changements, les imprévus.

- une extrême sensibilité aux sons forts, ou à certaines odeurs.

- une naïveté et une grande crédulité les rendant très vulnérables.

- une maladresse physique, avec parfois une démarche particulière, et un comportement pataud lors des activités sportives.

- une mémoire inhabituellement développée, surtout pour les faits et les détails, mais cette mémoire est automatique, encyclopédique, et sans esprit critique.

- de grandes connaissances dans un domaine très spécifique.

- des problèmes sensoriels : ils n'aiment pas être touchés, et évitent les contacts physiques

- l'isolement volontaire " autistique ", avec des activités solitaires.

- une certaine tendance au balancement, ou au trémoussement, surtout lors des périodes de concentration.

- les sujets sont souvent perçus comme étranges ou excentriques, voire distants, d'où les difficultés d'insertion socio-professionnelle.

- certains sujets réalisent qu'ils sont différents, mais ne savent pas pourquoi.

- certains adultes découvrent qu'ils présentent un syndrome d'Asperger au moment où l'on diagnostique cette pathologie à leur enfant : ils se reconnaissent alors dans le tableau clinique.



les sites sur le syndrome
site asperweb


apergeraide
les sites d'aspergers

urville
la page de cecile
le site de georges huard
ma philosophie de la vie
satedi
le site de data
le site de damien
radio donald

les livres
Les ouvrages de Carol Gray disponibles sur le site d' Autisme France Diffusion : "Apprivoiser la jungle de la récréation" , "Conversations en bandes dessinées" , "Livre de scénarios sociaux" , "Nouveau livre de scénarios sociaux" (éditions Jennison Public

  • "Le bizarre incident du chien pendant la nuit" de Mark Haddon (Nil éditions, ou Pocket Jeunesse): cet ouvrage est la traduction d'un livre anglais qui a remporté le Prix Whitbread du meilleur livre de l'année 2003 aux Etats-Unis. Il est écrit comme un journal tenu par un enfant Asperger.
Le silence de Clara, de Patrick CAUVIN, éditions Albin Michel. C'est un roman relatant l'histoire d'une jeune autiste se mettant soudainement à écrire quelques lignes d'un récit de voyage en Alaska qui aurait lieu dans un siècle. Ses parents vont à la recherche de l'incroyable solution dans un village perdu de l'Ardèche..

Le livre du Dr Hans Asperger est disponible en français: "Les psychopathes autistiques pendant l'enfance"par Hans ASPERGER préfacé par J. CONSTANT. Editeur : Synthélabo - collection "Les empêcheurs de tourner en rond"
  • "Qui j'aurai été" , par Joffrey Bouissac : journal d'un adolescent autiste de haut niveau qui a décidé d'écrire un livre pour ses 18 ans, une sorte d'autobiographie. A commander sur le site d'Autisme Alsace où l'on peut lire quelques extraits de l'ouvrage.
Asperger, qu'est ce que c'est pour moi ?  
de Catherine Faherty
(traduit par Agnès Fonbonne et Lise Saint Charles)
2004 - 300 pages
AFD Editions

Anne ISABELLE : « Il était une fois… LE SYNDROME D’ASPERGER » (les éditions de l’officine)
2005 – 243 pages


« La personne autiste et le syndrome d’Asperger » Jean-Charles Juhel  2003 – 311 pages (Chronique Sociale / Les Presses de l’Université Laval)


Laurent Mottron: "L' autisme: une autre intelligence" - 
2004- 235 pages (édition MARDAGA) 


 Tony Attwood : "Le syndrome d'Asperger et l'autisme de haut niveau" (Dunod Ed.)
2003 - 182 pages




les sites de professionnels

le site de tony attwood